A soixante-quatorze ans, Miss Daisy est devenue un danger public au volant. Autant dire que les compagnies d’assurances ne se bousculent pas pour lui proposer leur police. Son fils décide d’employer la manière forte en lui imposant les services d’un chauffeur. Il jette son dévolu sur Hoke Colburn, un noir d’une cinquantaine d’années, veuf, dévoué et surtout d’une patience à toute épreuve. Il va en avoir besoin: furieuse d’avoir été dépossédée de son volant, la vieille dame va mettre autant de temps que le Seigneur à faire le monde, avant d’accepter de se laisser conduire. Ensuite, rien ou presque, vingt-cinq ans d’allées et venues, de courses en ville, de promenades et de voyages faits de complicité et d’affection partagées. Hoke va apprivoiser ce dragon aux cheveux gris en lui donnant ce qui lui manque: un peu de tendresse. Bougon mais intelligente, Miss Daisy saura l’apprécier à sa juste valeur et la lui rendre.
La pièce de Alfred Uhry avait remporté un énorme succès lors de sa création en 1988 ainsi que de nombreuses récompenses. Le film qui en avait été tiré avait lui-même remporté quatre oscars. Attica Guedj, dans sa traduction, tire fort bien parti de cet accord tacite entre les deux personnages et de leur complicité bourrue qui fait tout le sel des dialogues. Une mise en scène judicieuse permet d’apprécier le temps qui passe, saisons après saisons. Compagnon obligatoire et angoissant, il finit par avoir raison de ce couple atypique. Les décors inventifs, le jeu éclatant de Micheline Dax, celui tout en finesse de Jean-Michel Martial ainsi que l’excellente prestation de Jean-Loup Horwitz, fils dépassé par cette mère ombrageuse, font de ce spectacle un moment délicieux.